Briget entre dans la pièce, habillée d'un paréo d'un petit créateur encore inconnu, mais qui a plein de talent et une grande carrière devant lui. Castor est habillé d'une blouse blanche, du style pub pour du gel antibactérien, porte un casque de protection et un mètre-ruban. On dirait le mélange d'un laborantin et d'un travailleur de chantier.
- Bonjour, Madame Briget, puis-je vous demander de vous déshabiller, et de prendre place.
- Ah, et bien, ce n'est pas trop tôt, j'ai l'impression d'avoir passé des mois dans la salle d'attente!
- Nous sommes désolés, il y a eu des travaux de réparation, et les ouvriers ont emporté ma bétonneuse par mégarde.
- (parle à travers le rideau) Oui, et bien vos problèmes ne me concernent pas, je suis la cliente ici, pas la psy. (sort du vestiaire, ne portant plus qu'une serviette)
- Bien, installez-vous (Briget se pose sur la table de travail). Vous avez déjà fait un masque de beauté en béton armé?
- Non, jamais.
- Comme le masque est plus rigide qu'un masque classique, je vais être obligé de prendre les mesures de votre fessier, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
- Faites donc, Monsieur Castor, faites...
Castor se penche, prend les mesures, bien comme il faut, avec son mètre à ruban. Pendant ce temps, Briget, qui a réfléchi à quelque chose, étend sa main.
- Hé, Madame Briget, veuillez garder vos mains en place!
- Ecoutez, mon gaillard, Mademoiselle Vendredi m'a vanté qu'avec vos soins, j'aurais des fesses en béton.
- Ah oui, je vous le garantis, c'est une question de minutes.
- Vous voyez, à moi on ne me la fait pas, et j'ai pas trop confiance en vous, vous promettez des choses, mais si vous êtes pas capable de les utiliser sur vous-même, cela veut dire que vous êtes un charlatan, alors je vérifie.
- Madame Briget, j'espère que votre "vérification" vous suffit, parce que j'ai besoin d'un minimum de concentration pour poser le masque.
- J'ai pas eu trop le temps de juger, mais cela suffira.
- Je l'espère bien, sinon, c'est le masque de beauté aux mains... AH!
- (d'une voix espiègle) Qu'est ce que vous avez dit, Monsieur Castor, je n'ai pas entendu?
- (en colère) J'aimerais que vous vous teniez tranquille, Madame Briget, pour que la séance se passe bien.
- Oh, vous êtes ronchon, vous. Vous devriez vous détendre un peu.
- Madame Briget, je ne suis pas là pour me détendre, mais pour travailler!
- Et puis, je me demande si je peux vous faire confiance, vous êtes juste reconverti, vous n'avez pas de diplôme.
- Pardon, Madame, mais j'ai un diplôme de soins corporels à l'Université
d'Ektarest, remis des mains du Doyen lui-même!
- Oh, alors c'est différent, Je suis tranquille, maintenant. Ca prend beaucoup de temps à obtenir, un diplôme de soins corporels?
- Oh, non, pas trop. Pour vous donner une idée, c'est à peine le temps que l'on met pour construire une piscine olympique dans le jardin du Doyen.
- Bon, revenons à nos moutons, c'est à dire à mes fesses. Il vous faut beaucoup de temps, pour faire ce masque?
- (met en route la bétonneuse) Oh non, Madame Briget, juste quelques coups de scie à métaux, et l'armature sera aux dimensions de vos formes généreuses (part dans la salle d'à côté).
- (à part) ça, en tout cas, mes formes seront plus généreuses que ton pourboire, si tu continues à me faire poirauter comme cela.
(on entend des bruits de scie à métaux)
(Castor revient, en portant un ensemble de barres de métal)
- Voilà, l'armature est prête, il ne reste plus qu'à faire couler le béton dessus.
(il rapproche la bétonneuse de la table, dispose les barres)
- Vous me dites si je vous touche avec l'armature, hein?
- Pour l'instant ca va, Monsieur Castor. Vous avez l'air plus habile lorsque vous êtes dans votre élément.
- Attention, je vais maintenant faire couler le béton. Rassurez-vous, c'est à température ambiante.
- Oh, mais je n'ai pas peur!
- (grand sourire carnassier) Vous le serez.
- Et je ne me fais pas impressionner par les geeks qui sortent des allusions idiotes à Star Wars.
- (décontenancé) Euh, bon, enfin, bref. Je disais... Oh, regardez donc, le béton vient de finir de couler, je vais devoir m'occuper à en lisser la surface... Voilà.
- Ah, c'est agréable, cette sensation.
- Oui, le masque va maintenant commencer à agir, nous avons quelque temps devant nous. voulez vous que je vous tienne compagnie?
- Volontiers, Monsieur Castor. Dites-moi, vous avez vécu à Ektarest, vous avez donc pris un peu les moeurs slaves?
- Tout à fait, Madame Briget, au cours de mon séjour, j'ai pu me familiariser avec l'esprit slave.
- Figurez-vous que je suis slave aussi. Et que pensez-vous qu'un homme et une femme slave puissent faire, lorsqu'ils sont ensemble, tous seuls dans une pièce?
- (sourire malicieux) Oh, je vois où vous voulez en venir...
Retrouvons Briget et Castor quelque temps plus tard. Au premier coup d'oeil, on peut voir que la glace est définitivement rompue entre eux.
- Ah, Castor, c'était bon!
- Ah, oui, Briget.
- Toute cette débauche de sens!
- J'ai encore l'odeur du numéro cinq de Chanel dans les narines.
- Vous avez vu, hein, que j'ai plein d'expérience.
- Je n'en doute pas. A voir comment vous avez tout bu d'une seule traite.
- Ce n'est rien pour moi, j'en ai sifflé des litres!
- Mais, en aviez-vous déjà bu d'aussi bonne?
- Oh, en me rappelant bien, celle d'un vieux Colonel de Novossibirsk...
- Il avait un secret, alors?
- Eh bien, c'était lui qui contrôlait la distribution de la vodka dans toute la région, alors il savait choisir la sienne.
- Je dois dire que j'ai été déçu par l'alcool à brûler.
- C'est clair que cela ne vaut pas le liquide de transformateur. Mais votre alcool de bois était excellent!
- Je le distille moi-même. Mais cela soûle moins que l'essence de briquet.
- Oui, héhé! Et cette petite touche d'eau de cologne dans le verre, comment l'avez-vous trouvée?
- Eh bien, à Ektarest, on en mettait souvent pour allonger la liqueur de prune.
- Ah, il faudra que j'essaie, alors.
- Vous verrez, c'est divin.
- Il faut que je vous remercie de m'avoir fait goûter tout cela.
- N'en faites rien, madame Briget, en tant que produits de beauté utilisés lors de votre soin, tout vous sera facturé.
- (subitement dessoûlée) QUOI?
- Mais l'essence à briquet est pour moi, j'insiste.
- Ah ben vous perdez pas le nord, vous!
- Bien, je pense qu'il est temps de vous dégager de cette gangue, je vais chercher les outils nécessaires.
- Faites vite, alors, sinon vous seriez capable d'en profiter pour me facturer une demi-heure supplémentaire, coquin!
- Oh, je n'en ai que pour quelques secondes, tenez je reviens déjà.
- Vous avez fait vite. Que'est ce que vous tenez en main?
- Oh, c'est une mèche à béton courte, pour la perceuse. Une petite merveille de technique, celle-là, fonctionne sur batterie, effet burin et vitesse de rotation contrôlée électroniquement.
- Je ne tiens pas à vous décevoir, monsieur Castor, mais je n'ai absolument pas besoin de cet engin dans ma proximité immédiate.
- Rassurez-vous, madame Briget, cela ne prendra qu'une minute; attentionnebougezplus...
- (la voix de Briget est noyée dans le bruit)
- Voua-là. Maintenant ne reste plus qu'une formalité.
(Castor part déposer la perceuse, et revient avec un objet oblong)
- mais qu'est-ce que vous voulez me faire avec ce, ce...
- Ah non, Madame Briget, ce n'est pas ce que vous pensez. C'est juste une cartouche de dynamite, pour faire sauter le masque. Vous comprenez, cela prendrait trop de temps de le fendre au marteau et au burin, et de couper l'acier au chalumeau.
- Ah, mais c'est hors de question,
- Surtout, Madame Briget, détendez-vous! C'est tout à fait sans danger, la charge est calculée avec une extrème rigueur pour juste fendiller le masque. Maintenant, si vous voulez bien porter ces protections anti-bruit et ce casque de chantier... Désolé, mais ils ne font pas la couleur rose. J'ai bien essayé d'en obtenir sur ebay, à une revente d'objets ayant appartenu aux Village People, mais Mademoiselle Vendredi n'a pas voulu me financer.
- Mais, cela ne va pas! Vous êtes complètement fou!
- Ah? Aurais-je mal posé votre casque?
- Il ne s'agit pas de mon casque, vous allez tout faire sauter!
- Voyons, puisque je vous dis que tout est calculé... Et puis n'essayez pas de vous débattre, le masque est plus solide que vous, et tout ce que vous allez faire, c'est de vous blesser. Voilà, la cartouche est placée, j'allume la mèche, il reste cinq secondes,le temps d'aller à l'abri (il court)
- Ah, et moi alors? Au secours, AU SECOURS! (elle trépigne sur place)
- (Castor est allongé derrière un canapé, les mains sur les oreilles) 2, 1...
(Un bruit d'explosion inonde la pièce)
- (hystérique) A moi! A moi!
(Castor revient, un pied de biche à la main)
- Au secours, au secours, au fou, on veut me tuer!
- Voyons, madame Briget, décontractez vous, c'est presque fini, laissez-moi voir à travers la fumée de l'explosion, oui, apparemment, tout c'est passé comme prévu, le masque s'est délicatement fendillé, je vais pouvoir l'ouvrir tout à fait.
(Castor fait levier avec le pied de biche jusqu'à ce que le masque se casse en deux)
- Ouf!
- voilà, madame Briget, vous êtes libre à nouveau, si je puis dire.
- (Briget, se remet de ses émotions et sur ses pieds. Elle toise Castor) Mais vous êtes un vrai danger public, vous! Vous allez voir ce que je vais faire...
- Remettre votre serviette? (lui tendant)
- Par exemple! (lui arrache la serviette des mains)
Vendredi entre dans la pièce, portant lunettes, blouse blanche et documents comme si elle s'appétait à vendre de la lessive antitartre.
- Monsieur Castor, l'utilitaire ne fonctionne plus, la batterie est morte. Vous êtes bricoleur, non? Vous avez une idée de ce qui a pu arriver.
- Ah oui, mademoiselle Vendredi, il est possible que le liquide se soit évaporé avec le temps. Malheureusement, je crois qu'il n'en reste plus dans la réserve.
- (Briget, d'un air malicieux) On se demande bien où peuvent passer de telles quantitées de liquide.
- Oui, on se le demande...
à 19:04